Les membres des projets de Wikimedia peuvent communiquer en ligne ou hors ligne — and ces experiences sont bien differentes, comme l’observe l’anthropologiste Lionel Scheepmans. Hackathon photo par Sebastiaan ter Burg, CC BY-SA 2.0.
En ce qui me concerne, rencontrer les gens sans devoir passer par l’intermédiaire d’un ordinateur sur lequel je dois m’exprimer par écrit est un réel confort. D’une part, ma dyslexie et ma dysorthographie font de l’écriture une activité qui me demande beaucoup de concentration, même si, heureusement, j’ai fini par me perfectionner dans l’utilisation du clavier. Malgré cette maîtrise et une bonne concentration, on trouve dans mes écrits de nombreuses fautes d’orthographe et de syntaxe. Toutes ces fautes peuvent parfois me décrédibiliser quelque peu aux yeux de certain de mes interlocuteurs.
D’autre part, je trouve que les mots gagnent à être accompagnés d’une expression du visage, d’un langage gestuel. Un air triste, orgueilleux, timide ou contrarié permet en effet de placer les mots dans un contexte extra verbal qui aide beaucoup à percevoir les sentiments de son interlocuteur. Quand on s’exprime en face-à-face, on n’a pas besoin d’émoticônes. Le sourire, la bouche de travers ou en accent circonflexe ajoute de façon instantanée les émotions liées aux mots. Tout cela rend la communication plus simple, plus spontanée, plus agréable.
Des Wikipédiens dans la vie réelle, réservés et gentils
Au plaisir de rencontrer les membres des projets Wikimédia en face-à-face s’est ajouté la surprise de rencontrer des gens plus réservés et plus gentils que lors de mes échanges sur Internet. Était-ce seulement une impression personnelle ? Et puis, était-ce les mêmes personnes ? Difficile à dire. De toutes les personnes que j’ai côtoyées en ligne dans mes activités au sein des Wikimédia, je ne pense pas avoir retrouvé une seule personne à Londres. Mais comment en être sûr, puisque la culture du pseudonyme ne permet pas aux gens de se reconnaître facilement. Sur Wikipédia rares sont les utilisateurs qui se présentent sous leurs noms réels, les photos de profil sont très rares et contrairement à un site comme Facebook, il est impossible de s’aider des amis en commun pour pouvoir situer les personnes que l’on côtoie.
Ainsi une nouvelle question se pose : cette différence de comportement, ne serait-elle pas due à cet anonymat ?
Pas sûr non plus. Il m’est arrivé plus d’une fois d’avoir des altercations sur Facebook avec des personnes à « visage découvert ». Sur l’Internet, même sans la couverture de l’anonymat, certaines personnes peuvent donc faire preuve d’un manque de courtoisie. Avec cette différence toutefois entre Wikipédia et Facebook, c’est qu’il m’a été facile sur Facebook de couper tout contact avec les personnes désagréables dans leurs propos. Dans l’environnement wiki, c’est impossible. Ou alors, il faut quitter la communauté: la solution la plus simple mais aussi le choix le plus préjudiciable pour l’encyclopédie. Une autre option est de bloquer l’accès au site de la personne que l’on ne désire plus voir ; mais cette dernière solution ne s’applique en général uniquement que pour les actes de vandalisme ou d’agressivité répétitifs, et ne peut être appliquée que suite à une décision collective et uniquement par un administrateur du site.
Sous cet aspect, l’environnement Wikipédia pourrait donc favoriser le manque de courtoisie ou de tact. Il n’existe en effet pas de réel moyen de recadrer ou d’ignorer un contributeur wikipédien « simplement » désagréable tant que celui-ci reste poli dans ses propos. L’exclusion par blocage du compte et/ou de l’adresse IP, qui ne s’applique qu’en cas de comportement antisocial avéré, est, de plus, une mesure extrêmement rare en proportion du nombre de contributeurs.
Cet ensemble de réflexions me pousse donc à croire que le comportement des wikipédiens est influencé selon que les échanges s’établissent dans un environnement en ligne ou hors ligne. Au même titre que l’on se comportera différemment durant une réunion officielle de travail ou lors d’une discussion dans la rue.
C’est une question à approfondir car je connais déjà plusieurs personnes qui ont abandonné l’idée de contribuer au sein des projets Wikimédia, suite à un accueil désagréable de l’un ou l’autre utilisateur. Le phénomène existe aussi au niveau des contributeurs expérimentés dans un projet, désireux de s’investir dans un autre projet hébergé par la fondation. Personnellement, j’ai rapidement renoncé à l’idée de contribuer dans les projets Wikinews et Wikivoyage, suite à des accueils que j’ai estimé très peu chaleureux et dans lesquels j’ai ressenti une relative fermeture d’esprit. Récemment encore, j’ai eu un échange avec une chercheuse québécoise en sociologie qui fut rapidement découragée dans sa participation à fr.wikiversité. Je ne suis donc pas le seul à avoir vécu ce genre d’expérience. Bien sûr, je n’affirme rien de statistiquement significatif avec ces deux exemples, juste un pressentiment et quelques témoignages, mais un atelier Wikimania intitulé Culture of Kindness (voir aussi cet article sur le Wikimedia blog), consacré à la recherche de solutions concernant le manque de courtoisie au sein de la communauté Wikimédia, me fait croire que le problème est bien réel et que les solutions n’ont toujours pas été trouvées.
Un ensemble de projets, d’associations, de bénévoles et salariés œuvrant à l’ombre d’Internet
J’ai commencé à découvrir l’organisation en ligne de la communauté wikipédienne francophone le 26 février 2011, premier jour de terrain de mon travail de fin de master en anthropologie sociale et culturelle. Durant ce travail, j’ai observé durant près de six mois l’organisation de la communauté des contributeurs du projet francophone.
Suite à une Wiki pause jusqu’en 2012, j’ai commencé à découvrir la dimension hors ligne des activités liées à la fondation Wikimédia. Ce fut une visite d’un jour aux bureaux de Wikimédia France à Paris, des réunions concernant la création du chapitre belge, d’autres rencontres faites à l’occasion du mois de la contribution francophone de 2013, ma présence au stand du Fosdem 2013 et puis enfin Wikimania 2014. Ce dernier événement fut pour moi l’occasion de découvrir le projet Wikimédia dans toute son ampleur. La présence de tout ce grand réseau d’associations nationales Wikimédia et le nombre important d’administrateurs et d’employés au sein de ces associations comme au sein de la fondation elle-même m’ont beaucoup impressionné.
En rencontrant les employés de Wikimédia France nouvellement recrutés, j’ai aussi pensé qu’il ne devait pas être facile pour eux de s’y retrouver dans ce vaste champ organisationnel. La compréhension est d’autant plus difficile que l’organisation, les structures et le comportement en ligne apparaissent bien différents lorsque les activités s’organisent en ligne (au sein des projets) et hors ligne (au sein du réseaux bénévoles et salariés).
Des différences d’organisation et d’éthique entre Wikipédia et Wikimania
Avant d’établir une comparaison entre Wikipédia et Wikimania, je vais tenter de résumer en quelques lignes ma vision sur l’organisation et les caractéristiques de la communauté des contributeurs de fr.wikipédia.
Wikipédia est un projet communautaire fonctionnant dans un environnement plus ou moins clos, dans lequel les actions des utilisateurs sont enregistrées et consultables par le reste de la communauté. Dans cet environnement, tous les utilisateurs ont pratiquement les mêmes droits d’édition. Seul l’accès à certains outils de maintenance est réservé de façon statutaire à certains groupes d’utilisateurs élus voir cooptés, au sein de la communauté. Pour le dire d’une façon plus systématique, la communauté d’utilisateurs fr.wikipedia s’organise autour d’une éthique générale basée sur les valeurs et principes suivants :
- Un respect de la vie privée et de la volonté d’anonymat.
- Une organisation sans relation contractuelle ni échange monétaire.
- Une liberté d’expression et de participation dans les limites du respect de chacun.
- Une absence de hiérarchie statutaire au niveau des décisions éditoriales et politiques pour l’ensemble des utilisateurs qui ont atteint un certain nombre de contributions.
- La poursuite des principes et de l’éthique du mouvement du logiciel libre avec l’adoption de la licence libre et l’utilisation exclusive de logiciels et format libres.
- Une transparence totale dans les actions de chacun, exceptées celles qui posent problème d’un point de vue juridique en relation avec les lois extérieures au projet.
- Une volonté de poursuivre un projet altruiste dans la production d’un savoir productible et accessible à tout être humain.
Au départ de cet ensemble de principes et de valeurs, dont je ne prétends pas l’exhaustivité, il devient possible maintenant d’aborder les différences entre Wikipédia et Wikimania en termes d’organisation et d’éthique.
Un événement incompatible avec le désir d’anonymat et l’absence de relations monétaires ou contractuelles
Il est tout d’abord évident qu’une présence physique à un événement tel que Wikimania rend le souhait d’anonymat impossible en raison des obligations liées à l’inscription. Aussi, contrairement à Wikipédia, Wikimania ne se déroule pas dans un univers clos où tout peut être organisé et contrôlé par l’ensemble de la communauté. Au niveau de Wikimania, il faut se préoccuper des déplacements, de la nourriture, du logement, des structures d’accueil, des formalités administratives, etc. Tout ceci suscite forcément des échanges monétaires et un ensemble de relations contractuelles tant au niveau des organisateurs qu’au niveau des participants. Juste pour l’exemple, le simple fait de louer un vélo pour me rendre de mon hôtel jusqu’au Barbican Center, m’obligeait à effectuer un échange monétaire pour établir un contrat de location avec la firme Barcley.
Une liberté d’expression et de participation moins grande
Dans le temple Wikimania, mieux vaut comprendre la langue de Shakespeare pour cerner tout ce qui s’y passe. Contrairement aux différents projets linguistiques Wikipédia où chacun peut s’exprimer dans sa langue natale, Wikimania Londres s’organise principalement en anglais. Ce fut d’ailleurs je crois, la seule langue utilisée pour les rencontres publiées au sein du programme. Bien sûr, j’ai eu aussi l’occasion de communiquer dans ma langue natale autour d’une table dédiée aux participants francophones ou même en portugais lors de discussion en aparté. Mais pourquoi l’entièreté du programme devrait-elle être organisée en anglais ?
L’utilisation d’autres langues pourrait permettre aux participants non anglophones de se retrouver plus facilement. Cela leur donnerait ainsi l’occasion de s’exprimer plus librement dans leurs langue natale et de rendre ainsi l’expérience Wikimania plus agréable. En 2015, la rencontre Wikimania se déroulera au Mexique dans un pays non anglophone. J’imagine que certaines activités seront programmées en espagnol, mais pourquoi pas dans d’autres langues ?
Pour participer à Wikimania, il faut aussi être capable de se rendre sur place, soit en finançant soi-même les coûts de participation, soit en bénéficiant d’une aide financière, comme ce fut mon cas. En termes de liberté de participation, le projet Wikimania n’a donc rien de comparable à Wikipédia.
D’autre part, une fois sur place, j’ai pu remarquer que la liberté d’expression et de participation peut être bien différente selon que l’on est simple visiteur ou que l’on occupe un poste statutaire dans l’organisation. Durant le hackathon, des discussions peuvent s’établir autour de tables rondes sur simple initiative d’un participant comme cela peut se faire sur Wikipédia. Mais au niveau du programme Wikimania proprement dit, tout est programmé à l’avance. Une sélection est en effet opérée par un comité restreint influencé, on le suppose, par l’intérêt suscité par la communauté au niveau des pages de soumission. Par la suite, les rencontres proprement dites sont plus ou moins participatives selon qu’elles se déroulent dans une salle de réunion ou dans un auditorium. Si les salles de réunion se prêtent à la discussion, les amphithéâtres, en revanche, limitent souvent l’intervention du public à une séance de questions réponses.
Voici un exemple. Durant la table ronde au sujet de la communauté virtuelle, un sujet qui m’intéresse beaucoup et sur lequel j’ai développé quelques connaissances, il ne m’a pas été possible de prendre la parole. La table ronde s’est déroulée dans le grand amphithéâtre du hall center où était aligné un groupe de personnes composé de quatre employés de la Wikimedia Foundation et trois invités extérieurs spécialistes de la question. La discussion s’est déroulée entre eux par l’intermédiaire de microphones. Vers la fin du temps imparti pour cette rencontre, les spectateurs ont été invités à formuler des questions auxquelles une des personnes présentes sur le podium répondait. Avant d’avoir eu l’occasion de prendre la parole, le temps était écoulé et il fallait laisser les lieux pour la suite du programme.
J’aurais pourtant voulu, d’une part, souligner le fait qu’il était maladroit d’utiliser le terme « virtual » dans l’intitulé du débat. Dans son acceptation commune, l’adjectif virtuel peut se traduire par les termes « en puissance » ou « imaginaire » en opposition aux terme « actuel » ou « effectif », ce qui ne correspond pas du tout à la description de la communauté Wikimédia. Il aurait donc été plus juste d’utiliser les termes « en ligne ». Cela éviterait ainsi de créer certaines confusions, au même titre que l’utilisation du terme « démocratie » pour définir l’oligarchie en place dans les états occidentaux rend le débat politique difficile. Lorsque un mot est utilisé à tort, il devient difficile ensuite de l’utiliser à raison. Et puis, d’autre part, j’aurais pu introduire le mot « environnement », qui me semble être un concept clef dans la compréhension des communautés en ligne. Ce mot n’a malheureusement jamais été prononcé durant la rencontre alors qu’il aurait pu rendre le débat beaucoup plus productif.
En termes de liberté d’expression et de participation, ce que j’ai donc observé durant ces cinq jours pouvait aller d’un extrême à l’autre. Un jour j’établissais un dialogue avec un étudiant en anthropologie ayant laissé en son absence sur l’une des tables du Conservatory Terrace un petit panneau ou il était écrit à la main « Digital anthropology ». L’autre jour j’assistais à cette table ronde à un sujet pour lequel je pouvais apporter quelques avis éclairés, mais où il me fut impossible de prendre la parole.
Une hiérarchie statutaire bien présente
Contrairement à Wikipédia, il existe dans le contexte Wikimania une certaine hiérarchie statutaire au niveau des prises de parole et de décision. Tout d’abord, au sein de la fondation elle-même, puisqu’il existe un organigramme relativement classique avec la présence de Directeurs, Chefs, Conseillers Généraux, etc. Mais aussi d’une façon plus discrète, au sein des chapitres, où l’on retrouve comme en Suisse ou en France, des termes comme Directeurs, Chef et Manager.
En termes de hiérarchie statutaire et en dehors du net, le monde Wikimédia n’a donc plus rien à voir avec le monde Wikipédia dans lequel un professeur d’université se retrouvera démuni de toute autorité liée à son titre académique. A contrario, dans le monde hors ligne de Wikimania, la hiérarchie statutaire influence clairement la capacité de se faire entendre et donc d’influencer la communauté. Certains moments de paroles sont spécialement distribués en fonction du statut hiérarchiques sans qu’une réaction au discours ne soit toujours possible. En prenant cette option, l’organisation Wikimédia s’expose donc à un risque de dérive liée à la recherche de pouvoir d’influence. Ce type d’organisation ouvre aussi la porte aux dérives liées au culte de la personnalité et au dogmatisme pouvant être entretenu par des leader charismatiques. Heureusement, rien de ceci ne m’est apparu durant mon expérience Wikimania, mais un regard attentif sur la question me semble pertinent. Enfin, je me demande aussi pourquoi l’organisation Wikimedia hors ligne ne s’inspire pas des communautés en ligne ? Au départ du fonctionnement MediaWiki, certaines entreprises ont déjà adopté le concept de la Wikinomie. Pourquoi la fondation et les associations ne suivent-elles pas cet exemple d’organisation décentralisée et non hiérarchique, alors qu’elles fonctionnent au bénéfice de communautés Wiki ?
Une certaine dissonance cognitive concernant les valeurs de la culture libre
Dans un événement organisé par une association défendant le libre partage de la somme des connaissances, j’ai été très surpris de participer à des exposés de professeurs d’universités et de divers auteurs sans qu’un réel débat ne soit organisé.
Encore plus étonnant m’est apparu le fait qu’une organisation qui défend l’éthique et les principes de la culture libre au travers de l’utilisation de formats et de logiciels libres, ait accepté en son sein, la vente et la dédicace de livres édités sous copyright.
Je pourrais comprendre qu’au sein de Wikimania, des conférenciers puissent utiliser un Macbook comme support de présentation, mais qu’ils viennent vendre des livres, édités sous copyright, aux membres du projet qui leur ont fourni gratuitement le contenu de ces livres, cela me dépasse complètement.
Durant les rencontres Wikimania, les enseignants et auteurs devraient, en toute logique, partager et confronter leurs savoirs avec les personnes présentes dans l’assemblée, tout en respectant les règles et l’éthique partagés au sein des projets de la fondation. À mes yeux, si cette règle n’est pas respectée, c’est toute la crédibilité du projet qui est remise en cause. Je me pose ensuite une question concernant la légalité de produire sous copyright un ouvrage dont le contenu est issu de Wikipédia. La licence CC BY-SA, appliquée à tous les projets, n’oblige-t-elle pas les œuvres dérivées à utiliser la même licence CC BY-SA ?
Des possibilités et des comportements différents en termes de transparence
La transparence offerte par le logiciel MediaWiki est bien sûr impossible au niveau de l’organisation d’un événement tel que Wikimania. Dans les projets Wikimédia, où toute action aboutit à l’écriture d’un code, tout ce que font les utilisateurs peut être facilement enregistré et accessible à tous. Comme le dit le proverbe, les paroles s’envolent, les écrits restent et cela reste valable pour le code informatique quand il est enregistré. Cela dit, il ne faut pas oublier non plus que, de nos jours, si les paroles s’envolent, elle peuvent aussi se capturer.
Je suis venu à Wikimania muni d’une caméra vidéo que j’ai utilisée les premiers jours seulement en raison de l’éloignement de mon hôtel et de la présence d’autres personnes bien mieux équipées que moi. Je me suis dit que cela ne valait pas la peine de transporter tout mon matériel puisqu’il y aura certainement tout les rushs nécessaire sur Wikimedia Commons pour monter un film si je le désirait. D’ailleurs, une grande partie des activités auxquelles je participais était en effet filmées, soit par des volontaires, soit par des participants. Malheureusement, jusqu’à ce jour, il n’existe que cinq vidéos sur Commons dans la catégorie Wikimania 2014 présentations et treize dans Wikimania 2014 videos. Où se trouve le contenu filmé par toutes ces personnes ? Sur Commons, sans que l’on puisse les retrouver par manque de catégorisation adéquate ? Sur d’autres site ?
J’imagine que beaucoup de personnes aimeraient voir les rencontres Wikimania auxquelles elles n’ont pu participer. Ce serait tellement pratique d’avoir toutes ces vidéos sur Commons, indexées sur le site même de Wikimania et présentes sur la page de présentation de chaque activité. Cette idée fut réalisée dans les cas de certaines présentations pourquoi pas toutes ? Cela demande bien sûr une certaine organisation dans la production et la diffusion des vidéos, mais rien d’impossible, il me semble. Une idée donc à creuser peut-être pour l’année prochaine.
L’altruisme, valeur commune aux deux projets
Antinomique à l’égocentrisme, l’altruisme n’est pas pour autant opposé au terme individualiste. La différence entre l’égocentrisme et l’individualisme est subtile mais elle me semble importante pour comprendre la culture Wikipédia dans sa globalité. En effet, le projet Wikipédia a ceci de particulier que chaque article de l’encyclopédie se crée, au départ, sur le fondement d’un ensemble d’actions à la fois individuelles et altruistes. Ceci explique sans doute le fait qu’il n’y a pas de conflit d’intérêt visible sur Wikipédia mais biens des conflits d’opinions. Ce que l’on appelle « guerre d’édition » n’est en fait que l’expression de la difficulté, pour certains contributeurs, d’abandonner leur point de vue individuel au bénéfice d’un point de vue collectif. Aussi, il est étonnant de remarquer que, durant toute mon expérience Wikimania, je n’ai assisté à aucun conflit ni de point de vue ni d’intérêt.
Au contraire, les personnes rencontrées ou entendues durant Wikimania, me sont apparues à la fois très peu égocentriques, très peu individualistes tout en débordant d’altruisme. À tel point, que l’altruisme m’est apparu comme valeur centrale des projets Wikimedia, voire même comme le ciment de la communauté, voire même un outil de ralliement et de résolutions de conflits.
Les enjeux d’une certaine disparité au sein des projets Wikimedia
Tout au long de ce compte rendu sont donc apparues de nombreuses disparités entre l’éthique et l’organisation en ligne du projet Wikipédia et hors ligne du projet Wikimania. Exceptée la question de vente d’ouvrage sous copyright, cette diversité dans l’organisation et les valeurs me semble normale et même plutôt saine au sein d’un organisme international aussi vaste que Wikimedia. Cette diversité permet en effet aux membres de s’adapter aux différents environnements auxquels ils sont exposés. Cependant, une variabilité dans l’organisation, les valeurs et l’éthique, peut causer certains risques.
Parmi ces risques, celui de voir apparaître des distances, voir des incompréhensions entre les membres qui évoluent dans des environnements différents. Pour éviter cet écueil au sein du mouvement Wikimedia, je pense que des rencontres internationales telles que Wikimania sont essentielles pour permettre aux différents acteurs de se rencontrer pour échanger leurs expériences et points de vue. Je pense aussi que cette rencontre annuelle est bien insuffisante et qu’il faudrait organiser d’autres rencontres régulières au sein des différentes associations, à des niveaux plus régionaux encore. Durant ces rencontres, il est important que les employés de la fondation ou des diverses associations puissent rencontrer les contributeurs pour qu’ils échangent réciproquement des informations sur leur environnement de travail. Des rencontres peuvent aussi se faire en ligne au sein des différents projets avec une participation des employés en tant que contributeurs. Tout ceci ne pourra, à mon sens, renforcer la cohésion interne du projet et garantir sa pérennité. J’imagine que certaines choses existent déjà, mais pas au niveau de la Belgique, malheureusement. Ce travail reste à faire dans l’organisation de notre récente association.
Lionel Scheepmans
Anthropologiste
Wikipédien
Toutes les opinions exprimées dans ce billet de blog sont celles de l’auteur et ne représentent pas les opinions de la Wikimedia Foundation ou de ses affiliés. Une version antérieure de ce billet contenait une déclaration qui désignait un membre individuel de la communauté pour décrire un problème concernant l’ensemble du mouvement. Dans cette présente version, le nom de cette personne a été supprimé.
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